Le steampunk pioche dans le passé, c'est indéniable, mais pour autant, est-il nostalgique ? La nostalgie, si l'on s'en tient à la définition du dictionnaire est "une tristesse due à l'éloignement de son pays natal et un regret pour le passé". Le steampunk ne connaissant pas de frontière, éloignons l'éloignement du pays ! Reste le regret pour le passé. En se fiant uniquement à l'aspect superficiel, un non initié du steampunk vous dira d'emblée que le mouvement est nostalgique. Mais les steamers ont un peu plus de fond que cela, non ?
Une uchronie, certes, mais pas que…
Pour commencer, le steampunk s'apparente à une uchronie mais pas uniquement. L'uchronie va chercher un futur dans le passé en reconstruisant l'histoire, partant du postulat que certains faits historiques se sont produits.
Le steampunk ajoute une dimension un peu folle en intégrant les auteurs dans ses trames. Etienne Barillier, l'auteur de La France steampunk, considère ces récits comme une "uchronie rétro-futuriste déviante". L'uchronie n'est pas purement historique mais elle englobe des éléments de fiction. Ainsi peut-on croiser dans une même historie le capitaine Nemo ET Jules Verne.
Une élégance regrettée
À première vue donc, on retrouve dans l'esthétique steampunk l'élégance de temps anciens se situant sur l'échelle du temps avant la première guerre mondiale. Les grands empires occidentaux se sont fracassés au cours de cet événement dont le surnom "la der des ders" fut l'une des trouvailles les moins prémonitoires du monde ! Alors, quelle est donc cette barrière du temps que les steamers n'hésitent pas à franchir ?
C'était mieux avant ?
À l'époque de la révolution industrielle, les machines à vapeur prennent des proportions démesurées que le steampunk exagère encore. Mais la différence fondamentale est que la machine, quel que soit son gigantisme, n'en reste pas moins à l'échelle humaine.
Contrairement au cyberpunk où l'humain et l'électronique fusionnent, les machines issues du steampunk sont artisanales. On en voit leurs mécanismes faits de boulons, de bois verni et d'engrenages. Elles sont fabriquées par l'homme alors, tant qu'on peut les bidouiller et les réparer, cela signifie que l'on conserve leur contrôle.
Halte-là !
C'est à ce moment-là que le steampunk cesse définitivement d'être nostalgique. Il n'a aucun regret des erreurs du passé qui ont mené aux extravagances de la révolution industrielle. Point de fascination pour l'exploitation de l'humain par les machines et rejet de la colonisation des campagnes par la technologie polluante, le steamer refuse l'aliénation par la machine.
À l'époque où la vapeur prend le pas sur toutes les autres énergies domptées jusque-là, l'homme avec son rationalisme primaire s'imagine un futur radieux, avec les machines qui lui garantissent un nouvel éden. Il n'a pas la prescience des dérives de cette nouvelle technologie. Il n'imagine pas le travail à la chaîne et les usines qui grignotent les prairies en enfumant le paysage.
Jules Verne et les autres pensaient qu'on allait pouvoir construire des utopies avec la science, jamais ils n'auraient imaginé Les temps modernes où Chaplin se retrouve ballotté dans l'un des plus beaux systèmes d'engrenages jamais filmés en 1936. Dans ce film, certaines séquences à l'usine sont steampunk avant l'heure : les machines démesurées pilotées par le chef d'atelier, le mécanicien qui vient huiler les engrenages et ce petit bonhomme de Chaplin qui vient tout détraquer…
Les steamers d'aujourd'hui ont le recul. Ils n'ont pas de nostalgie, mais comptent avec la vision candide du futur qu'avaient les auteurs de l'époque. Leur but est de ressaisir cette utopie naïve. En rejouant en boucle cet échec historique, le steampunk réinjecte de l'humain dans la machine et impose le romantisme sur un siècle de raison.
Alors non, définitivement non, le steampunk n'est pas nostalgique !